Après notre dernier article sur la Volonté politique, nous allons procéder à une analyse factuelle sur la fidélité à l’égard d’un leader politique charismatique.
Comme d’habitude, nous allons solliciter l’indulgence de nos lecteurs, des intellectuels, des intellocrates et de tous ceux qui sont attirés par la lecture politique pour des insuffisances qu’ils pourraient relever.
Pour illustrer certains passages de notre analyse,nous citerons objectivement des noms sans pour autant adopter une posture dithyrambique.
Notre analyse portera laconiquement sur trois points saillants: la définition de certains concepts, la structuration de l’entourage d’un leader politique charismatique et le passage d’acteur politique en leader charismatique.
I/. Définition des concepts.
1/ Le concept de fidélité politique peut se définir comme l’attachement,le dévouement et la loyauté à l’égard d’une idéologie, d’une doctrine, d’un parti politique ou d’ un leader politique.
2/ Un leader politique charismatique désigne une personne qui exerce une influence marquante sur les membres de son entourage, celui qui assure la cohésion du groupe, la satisfaction de leurs besoins et la réalisation des objectifs communs.
Il/La structuration de l’entourage du leader politique charismatique.
De façon classique, l’entourage d’un leader politique se composait de deux cercles : le cercle des fidèles appelé le Noyau dur et le cercle des transhumants appelé les Transactionnels.
Avec l’évolution, la Science politique et la Sociologie politique ont autonomisé le cercle familial qui faisait partie intégrante du noyau dur.
Désormais un leader politique pourra s’appuyer sur les trois cercles que nous allons analyser pour exercer ses activités politiques.
1/Le Noyau dur.
Le Noyau dur est composé de fidèles très attachés au leader par son pouvoir charismatique. Le charisme étant un don, la capacité de séduction exceptionnelle, de fascination, de persuasion qui lui confère le pouvoir de s’imposer dans la vie publique et d’attirer les autres dans son sillage.
Selon le Sociologue Max Weber : « Le charisme est un pouvoir de domination fondé sur la croyance en des qualités extraordinaires, surnaturelles, surhumaines d’un individu. Cette croyance donne lieu à une dévotion et à l’obéissance de la part des disciples, des partisans formant une communauté émotionnelle autour du chef charismatique ».
Il ajoute: » Il ne s’agit pas seulement des qualités du chef mais surtout la reconnaissance et la croyance de la part d’un groupe de fidèles qui lui accordent une autorité légitime ».
En fait, un leader politique charismatique est un homme mystérieux doté d’une puissance héroïque.
La dévolution des fidèles à l’égard du leader politique charismatique découle de:
* Le talent oratoire du leader.
Le leader politique charismatique sait haranguer,galvaniser, influencer, tenir en haleine les foules qui l’écoutent religieusement avec passion. Il dispose d’un magnétisme exceptionnel dans son langage et son comportement avec les autres. A titre d’exemple, nous avons de grands tribuns politiques ayant marqué les époques : Léon Gambetta, Jean Jaurès, Georges Clémenceau, Charles de Gaulle, François Mitterrand, Lionel Jospin en France ; Sékou Touré, Léopold Senghor, Félix Houphouet Boigny, Julius Nyereré, Pierre Mamboundou en Afrique dont le don oratoire en a fait des leaders politiques charismatiques.
*La praxis politique.
La praxis politique est un ensemble d’actions concrètes dont la finalité repose sur la transformation du logos, du discours, du projet,de la théorie en réalité sociale et politique. Les idées se concrétisent toujours dans les actes. » Il faut agir en homme de pensées et penser en homme d’actions » écrivait le Philosophe Henri Bergson. Ces actions confèrent donc un leadership, une admiration et davantage de motivation aux fidèles. Georges Clémenceau, Charles de Gaulle, François Mitterrand, Giscard d’Estaing, Jerry Rolling, Paul Kagamé, Navin Ramgooulam (Iles Maurice), Théodoro Obiang Nguema Mba Zogho, et récemment Ibrahim Traoré, Brice Clotaire Oligui Nguema peuvent revetir l’étoffe de leader politique charismatique si les actions concrètes qu’ils posent sont bien serriées et vulgarisées. Le charisme, dans ce cas, n’est plus une donnée innée mais un acquis.
*De la fidélisation binaire.
La fidélisation binaire est une relation basée sur la confiance qui est un critère indispensable dans toute relation humaine, notamment dans les rapports à l’amitié, à l’amour jusqu’au travail. La vie politique n’en échappe pas. Sans elle, un leader politique ne peut envisager un avenir radieux, épanouissant et ne pourra bâtir des projets cohérents, crédibles et efficients avec ses fidèles. Il doit les écouter, accepter les contradictions, prendre même le risque calculé de la dépendance. C’est cette écoute qui lui permettra de vivre une relation vraie, seine et sans hypocrisie, loin des illusions. Selon la théorie des choix rationnels, la confiance est une forme de relation rationnelle entre les agents moraux.
Pour éviter des frustrations des fidèles, le leader politique charismatique doit s’abstenir de prendre de positions hasardeuses et préférentielles pendant les débats avec les fidèles. C’est l’homme de l’essentiel, de la neutralité et du compromis d’opportunité. Il est donc un impératif pour lui d’avoir une vision stratégique partagée afin que chaque fidèle comprenne que sa participation personnelle peut rendre possible la réussite commune.
Le leader politique charismatique doit faire preuve d’autorité et non d’autoritarisme. Son comportement determine la conduite des fidèles. Un mauvais traitement,un manque de considération peuvent entraîner des trahisons. D’ailleurs la confiance contient en elle même les germes de la trahison et se nourrit des faiblesses et des défaillances du leader. Il y a toujours une relation binaire Confiance/Trahison. Même dans le noyau dur, il arrive, au delà des convictions affirmées, qu’un fidèle ne fasse confiance au leader que lorsqu’il attend, en retour, une action avantageuse pour lui. C’est dire que la confiance est aussi le résultat d’un calcul rationnellement établi. Tout leader politique charismatique conscient doit donc prendre en compte les intérêts qu’aurait le bénéficiaire de la confiance. Le Sociologue Russel Sardin le résume parfaitement : « Je fais confiance à quelqu’un si j’ai des raisons de croire qu’ il sera dans l’intérêt de cette personne de se montrer digne de confiance de manière appropriée et au moment opportun. Ma confiance repose alors sur le fait que mes propres intérêts sont enchâssés dans les intérêts de l’autre; elle dépend du fait que le bénéficiaire de ma confiance conçoit mes intérêts comme étant partiellement les siens ».
A part la confiance, la Sincérité et l’Honnêteté jouent également un rôle central dans cette relation. Ce sont des Valeurs et des Vertus qui créent une relation durable et solide.
Les fidèles sincères et honnêtes mettent en exergue la probité morale, la droiture, l’incorruptibilité dans les actions pour assurer la réussite du groupe et le triomphe de leur leader.
Le principe de la sincérité et de l’honnêteté se trouve à l’intersection de la Morale et de la Politique. En effet, la sincérité et l’honnêteté sont moralement incompatibles à la duperie, à la roublardise, à la fourberie et à l’opportunisme. L’opportunisme politique conduit tout droit à la compromission morale. Le leader ne doit pas être trompé. S’il est berné, c’est le groupe dans son entièreté qui tombe dans le panneau.
Dans cette relation binaire, le leadership collectif et collaboratif exige la transparence, l’empathie, des concessions et il doit éviter surtout des intrigues et des combinaisons opaques et douteuses qui mettront en mal la dynamique du groupe.
2/Les Tranctionnels.
Le cercle des Transactionnels est le plus dense, le plus fluctuant, labile et instable.
Les Transactionnels ou les mercantilistes ne sont pas arrimés au leader politique par des convictions mais plutôt par un intérêt vénal. Les actes qu’ ils posent nécessitant toujours une contrepartie et visant la réalisation d’un profit. Ce qui intéresse les Tranctionnels, au premier chef, c’est leur rétribution d’où leur propension à se livrer au plus offrant.
L’espace politique gabonais, comme bien d’autres en Afrique, est surchargé, truffé des Transactionnels. A titre d’exemple,en 1990 la Conférence nationale a révélé la densité du transactionnalisme des acteurs politiques gabonais. Ceux qui étaient de véritables chantres et chanteurs infatigables du bongoisme ont tourné casaque à 180 degrés.
Le Président Omar Bongo s’est retrouvé avec un petit noyau de fidèles dont Georges Rawiri, Michel Essonghé, Jacques Adihenot, Idriss Ngari, Julien Mpouho, Fidèle Magnaga, Antoine Mboumbou Myakou, Jean Ping, Alfred Mabika constituaient l’ossature.
Par une alchimie politique spectaculaire, le baobab et stratège politique, Omar Bongo va renverser la tendance en torpillant malicieusement les résolutions de cette conférence qui devait politiquement l’affaiblir. voire l’éjecter du pouvoir. Il récupère tous les pouvoirs aux yeux des lilliputiens politiques de tous bords qui n’ont rien compris. Un coup de génie.
Le gotha politicaillonnesque, les opposants de circonstance, les aventuriers et les opportunistes de tout acabit ont opéré un Comeback funambulesque. Ils reviendront malhonnêtement se prosterner et faire allégeance.
Un autre exemple d’actualité.
Après le coup d’État du 30 Août 2023 du général Brice Clotaire Oligui Nguema et ses compagnons d’arme, grande est la stupéfaction, la sidération des observateurs, analystes politiques et des populations de constater la ruée vers le nouveau pouvoir des thuriféraires et sbires du parti démocratique gabonais PDG, arborant toute honte bue des postures politiciennes, caméléoniques et méphistophériques. Ces renégats et sybarites sont aujourd’hui la parfaite illustration du tranctionnalisme qui devient une idéologie politique gabonaise.
La Morale politique est jetée lamentablement aux orties.
Certains critères caractérisent les Transactionnels.
1) La flatterie politique.
La flatterie politique est une action de complimenter excessivement un leader politique dans le but de bénéficier des faveurs, des avantages de toute nature. C’est le mode operatoire le plus usuel. Le flatteur politique étudie d’abord la psychologie du leader avant de lui dire ce qu’il veut entendre.
Pour éviter de tomber dans le piège,le leader doit faire preuve de discernement en faisant fi des médisances et des louanges.Jean de La Fontaine dans sa célèbre fable » Le Corbeau et le Renard »écrivait : » Tout flatteur vit au dépend de celui qui l’écoute ».
Un leader politique accroché aux paroles mielleuses,aux marques d’attention démesurées, pourrait perdre sa notoriété et bloquer lui-même sa trajectoire politique.
2/ Le Mensonge politique.
Le mensonge politique est une affirmation délibérément fausse et trompeuse d’un transactionnel à un leader politique.
La stratégie d’un menteur transactionnel compulsif auprès d’un leader repose sur des analogies fallacieuses, des inventions cosmétiques, des paraboles insensées, des insinuations injustes et injustifiables pour nuire ou déstabiliser un adversaire souvent coriace. Son objectif fondamental est de se faire bien voir du leader,se sentir près de lui, exercer un trafic d’influence abject, parfois pour dissimuler son incapacité et ses carences. Il veut se tailler une place au solei.
En Afrique en général et au Gabon, il est de notoriété publique que plusieurs acteurs politiques, des cadres valables ont souffert et d’autres souffrent encore arbitrairement de ces pratiques infâmes qui ne grandissent pas leurs auteurs.
VA force de mentir, la mythomanie s’ installe et elle devient une profession. Le lenteur devient un pervers narcissique dont le dénigrement, la nuisance et l’hypertrophie de son Moi attire la méfiance.
Un leader politique qui se laisse impressionner par la logorrhée verbale nauséabonde se met toujours en difficulté. La méfiance observée à l’égard du mythomane invétéré le touche indirectement.
La Morale des Transactionnels s’observe par leur psychologie vénale mise à l’impératif.
3/Le cercle familial.
Longtemps intégré dans le noyau dur, la famille va s’autonomiser dans les années 1950 et elle apparaîtra désormais comme l’un des premiers piliers de l’ action politique d’un leader. L’Homogamie politique devient une réalité incontournable dans la vie publique. Ainsi plusieurs membres des familles vont s’impliquer en commençant par les époux et leur progéniture qui iront à la conquête et l’exercice du pouvoir. A titre d’illustration, aux États-Unis la famille Clinton/Bill et Hillary, Bush père et fils ; en France la famille Chirac) Chirac/Bernadette et leur fille Claude, la famille Jean Marie Le Pen, sa fille Marine et sa petite fille Marion Maréchal.
L’homogamie ou le familialisme politique sont des concepts par lesquels les personnes, notamment les couples partageant les mêmes opinions, les mêmes idées, choisissent de se mettre ensemble; elle contribue au renforcement de la cohésion au sein de la cellule. Cependant si l’homogamie et le familialisme politique deviennent un cercle incontournable, elle présente des atouts et des obstacles.
1/Les atouts de l’homogamie.
L’homogamie présente des atouts importants:
La fidélité. Le couple et leurs enfants ont une identité politique commune. Le cercle familial ne se trahit pas;le sang ne trahit pas le sang. La fidélité est naturelle, elle n’est pas négociable.
*Les actions caritatives.
Le familialisme constitue également un atout si l’épouse met en œuvre les actions caritatives, philanthropiques pour soutenir des personnes vulnérables. Par exemple, au Gabon, Mme Edith Lucie Bongo s’est honorablement distinguée par ses aptitudes humanistes en créant Horizon nouveau. Actuellement Madame Zita Oligui Nguema s’impose par des actions qui honorent par la distribution des dons en médicaments dans les hôpitaux, des fournitures scolaires. Elle vient de poser un acte hautement salutaire. En effet, elle a érigé et inauguré un Mémorial des disparus de la catastrophe de Makongonio qui a lieu depuis trente ans.
2/ Le cercle familial est un obstacle majeur.
Un obstacle majeur si l’épouse et la progéniture se substituent au leader politique. La légitimité populaire appartient au leader et non à sa famille même si elle participe à la conquête du pouvoir. Cette substitution est très grave et dangereuse pour le leader.
La jurisprudence politique est dense en la matière. Pour s’en convaincre, en Tunisie le Président Ben Ali a fait les frais des turpitudes de son épouse Leïla, au Bénin le Président Nicephore Soglo a quitté le pouvoir par la lucarne à cause de son épouse Rosine Vyera Soglo et de leur fils Lehady soglo, au Zimbabwé le Président Robert Mugabé est passé à la trappe à cause de la dictature de son épouse Grace Mugabé, au Gabon le coup d’État du 30 Août appelé coup de Libération du général Brice Clotaire Oligui Nguema a sonné le glas de 14 ans d’une dictature féroce et abominable exercée par la sinistre Sylvia Bongo de son fils Noureddine Bongo.
*Les comportements autocratiques de la famille sont source d’instabilité,de fragilisation et de discrédit du leader politique.
* L’accaparement du pouvoir peut entraîner la constitution d’une Oligarchie familiale de fait, généralement accompagnée d’une piraterie financière d’envergure, d’une paupérisation abracadabrantesque de la population. Souvent les dérives oligarchiques familiales se caractérisent par des intentions de faire du pouvoir un patrimoine susceptible d’être transmis aux enfants dont l’éducation est basée sur cette perspective.
4/ un leader politique peut il devenir un leader charismatique ?
Pour répondre à cette question, nous devons nous interroger si le charisme est une donnée innée ou un acquis.
Pour certains érudits de la Sociologie politique, à l’instar de Max Weber, le charisme est un don naturel, une qualité innée qui distingue certaines personnes et leur confère un avantage indéniable en matière de leadership.
Nous pouvons aussi penser que le charisme est un acquis car il peut résulter du coaching,de l’expérience dans l’exercice habile et rationnel du pouvoir politique. Il se développe et s’améliore au fil du temps.
Le leadership politique charismatique est donc une synthèse de dispositions naturelles d’une part et des qualités et compétences acquises d’autre part.
Les critères d’acquisition d’un leadership efficient sont:
* Travailler sa personnalité et son autorité qui inspireront la respectabilité sans pour autant être fondée sur la peur, la contrainte et l’autoritarisme.
*Être à l’écoute, c’est à dire prendre en compte les points de vue des collaborateurs, être attentifs à leurs idées et savoir passer ses propres idées, donner le feedback constructif pour susciter des adhésions.
* Avoir une vision stratégique et fixer les objectifs clairs.
* Améliorer la capacité à parler sans peur ni hésitation en public.
*Mettre en place une politique efficace de réseautage qui permet d’étendre les contacts. Le neworking politique devient une méthode efficace dont la finalité est de créer, entretenir et renforcer géographiquement les réseaux, identifier et recruter un personnel politique compétent. Le neworking permettra de consolider le leadership.
*Poser des actes concrets en adéquation avec les paroles et avoir une communication d’influence.
*S’entourer des hommes d’expérience et de la technostructure mais tout en évitant la dépendance. A titre d’exemple, certains acteurs politiques ont acquis un leadership puissant et incontestable dans le temps. Mouammar Kadhafi en Lybie, Omar Bongo au Gabon, Paul Kagamé au Rwanda, Al Sissi en Egypte.
Le Président Brice Clotaire Oligui Nguema, en homme d’actions dispose des atouts non négligeables pour acquérir un leadership puissant. Il dispose, outre d’ une Volonté politique inébranlable de réussite, d’un capital humain fortement expérimenté dans plusieurs domaines et d’une technostructure fiable. Séraphin Moundounga, Henri Claude Oyima qui relance méthodiquement le tissu économique, redresse les finances publiques, Philippe Tonangoye, Ulrich Manfoumbi, Séraphin Davin Akouré, Hermann Immongault, François Ndong Obiang, Régis Onanga Ndiaye, Ntossui Allogho, Alain Christian Iyangui de la Cour des comptes, Bosco Alaba.
La fidélité est la fille des convictions.
Alfred Nguia Banda, Docteur en droit, DEA en Histoire des Idées politiques. Maîtrise de Sociologie politique.

