Au troisième jour du procès très attendu de Sylvie Aimée Valentin, de son fils Noureddine Bongo Valentin et de leurs présumés complices, l’opinion publique découvre avec stupeur l’ampleur du pillage des ressources nationales. Les montants évoqués par les magistrats sont tout simplement vertigineux, traduisant des années d’abus, de détournements et de complicités au sommet de l’appareil d’État.
Mais au-delà du spectacle judiciaire, une interrogation fondamentale demeure : comment un tel système a-t-il pu prospérer aussi longtemps ? Qui, au sein de l’administration, a permis que ces décaissements colossaux s’opèrent sans contrôle réel ? Car, il ne s’agit pas ici d’actes isolés, mais bien d’un mécanisme organisé, toléré, voire encouragé par des institutions censées garantir la transparence et la rigueur budgétaire.
L’ancien Trésorier Payeur Général, acteur clé dans la chaîne de dépense publique, n’a toujours pas été entendu. Comment expliquer un tel silence ? Dans tout État de droit, un dossier de cette envergure exigerait une redevabilité complète, à chaque niveau de décision et d’exécution. Ne pas interroger ceux qui validaient, exécutaient ou fermaient les yeux revient à protéger les fondements mêmes de la prédation.
Par ailleurs, la population s’interroge légitimement : où sont passés les biens saisis par le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) ? Véhicules de luxe, immeubles, liquidités, comptes bancaires, autant d’avoirs supposément confisqués, mais dont la trace semble s’être évaporée. Le silence des autorités sur ce point est assourdissant, et alimente un sentiment de frustration et de méfiance.
Pendant ce temps, les réalités du quotidien sont accablantes : les hôpitaux manquent de scanners, les étudiants attendent leurs bourses, et depuis plus de dix ans, les salaires des fonctionnaires stagnent face à un coût de la vie qui explose. Dans un tel contexte, la promesse de rupture et de transparence ne saurait se limiter à des procès spectaculaires : elle doit s’incarner dans une gestion rigoureuse, équitable et visible des biens récupérés.
Car la justice n’est pas qu’une question de procès, elle est aussi une question de vérité, de cohérence et de restitution. Les Gabonais n’attendent pas seulement des condamnations ; ils attendent des preuves concrètes de changement, des actions qui traduisent réellement la volonté de tourner la page de l’impunité.
La véritable justice ne consiste pas seulement à punir les coupables, mais à restaurer la confiance entre l’État et le citoyen.
Annoye P. NKOUA

