Au Gabon, le système de santé traverse une crise profonde.
Et pourtant, c’est à lui qu’incombe la mission la plus essentielle de l’État : préserver la vie, protéger les populations et garantir un accès équitable aux soins.
Les alertes répétées sur ses dysfonctionnements sont trop souvent relativisées au nom du temps nécessaire aux réformes. Cet argument, s’il peut sembler raisonnable, ne saurait justifier l’inaction ni masquer la gravité de la situation. Décrire objectivement l’état de la santé publique n’est ni une posture idéologique ni une critique partisane : c’est une exigence de responsabilité institutionnelle.
Les récentes tensions observées dans le secteur de la santé ont mis en lumière des fragilités structurelles anciennes : absence de cadre juridique clair, chevauchement des compétences, gouvernance fragmentée, manque de coordination entre les acteurs. Ces faiblesses compromettent l’efficacité globale du système et fragilisent la continuité des soins.
Un système de santé performant ne se limite pas à la construction d’infrastructures. Il repose sur une vision cohérente, des ressources humaines qualifiées, une organisation rationnelle et un pilotage rigoureux. La santé est un investissement stratégique, au même titre que l’éducation ou la sécurité.
En théorie, l’architecture sanitaire nationale s’appuie sur deux piliers fondamentaux : la prévention et la prise en charge curative.
Dans la pratique, ces piliers sont affaiblis par une structuration incohérente.
Aux formations sanitaires traditionnelles s’ajoutent des structures aux statuts hybrides, financées sur fonds publics mais insuffisamment intégrées dans un cadre de régulation et d’évaluation harmonisé.
Cette situation a contribué à une déstructuration progressive de la pyramide sanitaire.
Les établissements de référence, censés assurer les soins spécialisés, la formation et la recherche, ne disposent pas toujours d’une base juridique solide ni d’une définition claire de leurs missions. Les modalités de gouvernance, de nomination et de tutelle restent imprécises, ce qui nuit à la performance et à la redevabilité.
Les structures intermédiaires, notamment les hôpitaux régionaux, sont confrontées à des contraintes majeures : enclavement, difficultés d’accès, délais de référence incompatibles avec l’urgence médicale, insuffisances logistiques et environnementales. Ces réalités ont un impact direct sur la qualité et la sécurité des soins.
À la périphérie du système, les hôpitaux départementaux, centres de santé et dispensaires font face à un déficit chronique de ressources humaines et matérielles.
Dans certaines zones, des structures fonctionnent sans médecin, avec un personnel réduit, exposé à des responsabilités dépassant son cadre réglementaire.
En milieu rural, de nombreux dispensaires restent inopérants, faute de personnel, d’équipements et de médicaments essentiels.
Dans ce contexte, l’absence de mécanismes systématiques de suivi, d’évaluation et de reddition des comptes favorise l’inefficience et l’opacité dans l’utilisation des ressources publiques.
L’enjeu prioritaire est désormais la restauration de l’autorité de l’État sanitaire. Cela implique une clarification des rôles et des responsabilités, le respect strict des textes en vigueur, la rationalisation des financements, ainsi que l’inscription des interventions dans des programmes nationaux planifiés et évaluables.
La santé ne peut être réduite à des actions ponctuelles ou symboliques. Elle doit redevenir une politique publique structurée, fondée sur des données probantes, la compétence des acteurs et une exigence constante de qualité.
Dans le cadre de la Ve République, l’ouverture d’un débat national s’impose. L’organisation d’États généraux de la Santé, associant l’ensemble des parties prenantes — professionnels, institutions, partenaires techniques, société civile et structures publiques et privées — constitue une étape indispensable pour refonder durablement le système.
Le Gabon a besoin d’une politique sanitaire lisible, cohérente et soutenable.
Et les populations ont droit à un système de santé qui protège réellement la vie et la dignité humaines.

