« Immunité parlementaire et zone grise : Pourquoi le droit doit primer l’opportunisme judiciaire » par WEMO

En réponse à l’analyse de l’honorable Jean Valentin Leyama

Dans une réflexion récente, l’ancien député Jean Valentin Leyama a mis en lumière une vulnérabilité inquiétante de notre architecture institutionnelle : l’existence d’une « zone grise » juridique entre la proclamation des résultats électoraux et l’installation formelle du Bureau du Parlement. Selon son analyse, ce laps de temps transformerait l’élu en une cible fragile, dépourvue de l’immunité parlementaire et exposée à des « cueillaisons » judiciaires opportunes.

Si le constat factuel de l’honorable Leyama est lucide, il appelle une réponse de droit et de principe. Cette fragilité n’est pas une fatalité juridique ; elle est une anomalie que l’interprétation constitutionnelle moderne doit résorber pour protéger, non pas des individus, mais la souveraineté du suffrage universel.

Le sacre du juge électoral : La fin du « député virtuel »

L’argument selon lequel le mandat ne débuterait qu’à la mise en place du Bureau de la Chambre procède d’une confusion entre la validité du titre et les modalités d’exercice.

En droit constitutionnel comparé, c’est la proclamation des résultats par le Juge Constitutionnel qui crée l’élu. La séance plénière d’installation n’est qu’un acte d’organisation interne, une formalité administrative de prise de fonction. Prétendre qu’un élu n’est pas protégé avant cette séance reviendrait à dire que la volonté du peuple, souverainement exprimée et validée par le Juge, peut être suspendue au bon vouloir d’un calendrier administratif. La jurisprudence moderne tend à consacrer l’idée que l’immunité (notamment l’inviolabilité) doit courir dès la proclamation pour empêcher l’Exécutif de « choisir » ses opposants avant même qu’ils ne siègent.

Le cas des Ministres : L’exigence de continuitéLe sort des ministres sortants, évoqué par M. Leyama, est particulièrement révélateur. Lorsqu’un ministre quitte le gouvernement pour retrouver son siège parlementaire, son mandat ne naît pas ex-nihilo : il sort d’une phase de suspension.

Il existe un principe de continuité des pouvoirs publics. L’idée qu’un citoyen puisse passer, en l’espace de quelques heures, du statut de Ministre (protégé par un privilège de juridiction) à celui de citoyen ordinaire, pour ensuite redevenir Député, crée un interstice dangereux. La « course contre la montre » judiciaire décrite par l’honorable Leyama s’apparente, en droit, à un détournement de procédure.

Dans un État de droit exigeant, le juge devrait opposer une fin de recevoir à toute mesure restrictive de liberté prise durant cette transition, au nom de la protection de la fonction législative.Pour une réforme de salubrité institutionnelle

Pour dissiper définitivement ces zones d’ombre, le législateur et la Cour Constitutionnelle doivent agir sur deux leviers :

* La clarification organique : Le Règlement des chambres doit stipuler que l’immunité est acquise dès la proclamation des résultats par la Cour Constitutionnelle, avec un effet rétroactif couvrant toute la période de mise en place du Bureau.

* La protection ininterrompue : Pour les ministres sortants, la fin des fonctions ministérielles doit déclencher mécaniquement et instantanément le retour sous le régime de l’immunité parlementaire, sans attendre la formalité de l’installation plénière.

Conclusion

L’immunité parlementaire n’est pas un privilège personnel, c’est un rempart de la démocratie. Laisser subsister une « zone grise » est une invitation à l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques.

Comme le suggère l’expérience de l’honorable Leyama, le droit ne doit pas seulement être lu dans les textes, il doit être vécu comme une garantie contre l’arbitraire. Il est temps de clore cette parenthèse d’insécurité juridique : le temps de la justice ne doit plus pouvoir être utilisé pour court-circuiter le temps de la volonté populaire.

WEMO, Doctorant en science de gestion option management des organisations de l’Université Paul Valéry 3 à Montpellier en France

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