Le Gabon traverse une zone de turbulence profonde.
Une période où les choix publics, loin de rassurer, donnent le sentiment d’un État qui se consolide dans ses leviers d’autorité pendant que le quotidien des citoyens, lui, devient chaque jour plus difficile à supporter.
Le dernier Conseil des Ministres a acté l’élévation de la Douane gabonaise au rang de corps paramilitaire, intégrée aux Forces de Défense et de Sécurité (FDS). Dans le même temps, des améliorations statutaires et salariales ont été accordées aux forces armées et aux hauts gradés.
Officiellement, il s’agit de renforcer l’autorité de l’État, la sécurité intérieure et la souveraineté nationale. Sur le principe, nul ne conteste la nécessité d’un appareil sécuritaire efficace. Mais entre la sécurité affichée et la sécurité vécue, le fossé est désormais béant.
Depuis plusieurs semaines, les Gabonaises et les Gabonais vivent au rythme d’informations alarmantes : enlèvements, tentatives d’enlèvements, meurtres, corps retrouvés dans divers quartiers. Une insécurité sourde, diffuse, qui s’installe dans les esprits et dans les foyers. Sans réaction officielle du Gouvernement (MINISTÈRE DE L’INTERIEUR, DE LA SECURITE ET DE LA DECENTRALISATION) et cela, alors même que dans tout le pays, les policiers sont visibles à presque tous les carrefours.
Cette omniprésence ne rassure plus. Elle exaspère. Car sur le terrain, beaucoup ont le sentiment que la police se distingue davantage par le racket des transporteurs, les contrôles abusifs et les tracasseries quotidiennes, que par une lutte efficace contre la criminalité réelle. Cette contradiction alimente un sentiment profond d’injustice et de colère : comment expliquer autant de forces déployées et si peu de résultats concrets sur la sécurité des citoyens ?Parallèlement, la crise sociale s’aggrave dangereusement, que l’on veuille l’accepter ou non. Les enseignants sont en grève, encore une fois. Ils réclament, depuis des décennies, la régularisation de leur situation, le paiement d’arriérés, des conditions de travail et de rémunération décentes. À eux s’ajoutent les universitaires, les agents publics… Ce n’est plus une somme de revendications isolées : c’est le symptôme d’un État social en panne.
Pendant que ces crises s’empilent, la jeunesse gabonaise est laissée sur le bord de la route. Le chômage des jeunes ne cesse de croître, nourrissant désillusion, errance sociale et désespoir. Des diplômés sans emploi, des jeunes sans perspectives, condamnés à l’informel ou à l’exil. Un pays qui abandonne sa jeunesse prépare toujours des lendemains instables.
À cela s’ajoute un quotidien de plus en plus étouffant pour les ménages. Se loger devient un luxe, les loyers explosent, l’accès à un habitat décent se complique. Se nourrir devient un combat, avec des prix qui grimpent plus vite que les salaires. Le pouvoir d’achat est rongé de toutes parts, sans mécanisme réel de compensation.
Dans ce contexte déjà suffocant, l’État annonce ou amorce la révision des taux de cotisation à la CNSS, ce qui aura pour conséquence directe d’amoindrir encore le net à payer des salariés, pourtant déjà faibles. Et comme si cela ne suffisait pas, les populations doivent faire face à la taxe forfaitaire d’habitation (TFH), présentée comme un impératif de restructuration des finances publiques. Une taxe qui fâche, qui inquiète et qui est vécue comme une provocation sociale dans un pays où beaucoup peinent à joindre les deux bouts.
Dans le même temps, l’État trouve des marges financières pour revaloriser certains corps et militariser d’autres administrations. Il augmente les gains des députés. Cette hiérarchisation des priorités est socialement explosive.
À cela s’ajoute une crise de confiance politique profonde. Un président élu avec près de 95 % des suffrages ne peut durablement gouverner par l’écart entre la légitimité institutionnelle et le ressenti populaire. Les chiffres électoraux ne remplacent pas l’adhésion sociale lorsque la vie quotidienne ne s’améliore pas.
Disons-le clairement, en toute humilité, mais sans trembler : Excellence Monsieur le Président la République Brice Clotaire Oligui Nguema on ne gouverne pas durablement un pays avec une population affamée, anxieuse et épuisée.on ne stabilise pas une Nation en multipliant les forces armées pendant que l’école, l’emploi et le pouvoir d’achat s’effondrent. on ne demande pas des sacrifices fiscaux à un peuple sans lui offrir sécurité réelle, justice sociale et perspectives d’avenir.
Tous les signaux sont là. S’ils sont ignorés, 2026 pourrait marquer l’entrée du Gabon dans une crise sociale profonde, née non de la subversion, mais de l’épuisement ; non de la haine, mais de l’injustice accumulée.
Une fois celà dit, disons aussi que le Gabon n’est pas condamné. Il n’est ni pauvre de ressources, ni pauvre d’intelligences, ni pauvre de jeunesse. Mais il est aujourd’hui pauvre de priorités justes et de décisions courageuses tournées vers l’humain, vers la rupture d’avec les anciennes pratiques, les anciennes mêmes familles aux affaires et dont les intelligences ont montré des limites et assombri le ciel de ce pays durant des décennies. Le Gabon est pauvre aujourd’hui d’une main qui ne tremble pas pour sévir quand il faut, même ses alliés quand ils trahissent la Nation. L’heure n’est plus au silence résigné, ni à la colère stérile. L’heure est à la prise de conscience collective, calme mais déterminée. Aux autorités, il faut dire sans haine mais sans peur : gouverner, ce n’est pas empiler des réformes sécuritaires et fiscales, c’est réparer le contrat social. C’est protéger sans opprimer. C’est exiger des efforts sans écraser. C’est écouter avant d’imposer.
À la jeunesse gabonaise, il faut rappeler une vérité essentielle : elle n’est pas un problème à gérer, mais une force à organiser. Une force de proposition, de responsabilité et de veille citoyenne. Le découragement est compréhensible, mais il ne doit pas devenir renoncement. Ce pays est le nôtre. Son avenir aussi.
À la société civile, aux syndicats, aux leaders d’opinion, aux femmes et aux hommes de bonne volonté revient un devoir historique : maintenir la pression démocratique, exiger des choix cohérents et refuser que la fatigue sociale devienne une norme.
2026 au delà d’être l’année de la rupture, elle peut doit être celle du sursaut véritable. Mais cela suppose un cap clair : remettre le Gabonais au centre, faire de l’éducation, de l’emploi, du logement, du pouvoir d’achat et de la sécurité réelle, des priorités absolues. Sans cela, aucune réforme institutionnelle, aucun dispositif sécuritaire, aucun discours ne suffira à contenir la colère d’un peuple qui se sent oublié.
Le temps d’agir est maintenant. Demain pourrait être trop tard.𝗚𝘂𝘆 𝗚𝗲𝘀𝗹𝘆𝗻 𝗘𝗠𝗔𝗡𝗘 𝗡𝗭𝗘, ancien candidat aux élections législatives et locales d’août 2023, ancien Membre du Bureau du Conseil National de la Jeunesse du Gabon, secrétaire général du Mouvement Osons Pour le Gabon, leader Associatif et Politique, patriote.

